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J’aime l’odeur de l’encre au petit matin sur le papier

(8 avis client)

15.000CFA

Une histoire de la presse écrite au Cameroun en 40 arrêts. C’est le voyage dans lequel Haman Mana nous embarque. Ainsi, il nous ouvre les placards de l’histoire des titres phares qui ont jalonné sa route professionnelle: Cameroon- Tribune, Le Messager, Ozone , Mutations, Le Jour…
Il nous immerge dans les réalités et contraintes de la presse écrite telles que vues, entendues et senties par le reporter d’abord, le patron de presse ensuite. Surtout, il nous amène à la rencontre, sous son regard ingénu , des hommes et femmes, qui chacun dans son rôle et à sa manière ont contribué à construire, à façonner ces rendez-vous, ces moments presque sacrés, de rencontre avec les lecteurs.

Prenant appui sur des moments importants de la vie politique et de la presse du Cameroun, et à travers de nombreux faits saillants que son rôle de « chien de garde » lui ont donné le privilège d’observer de l’intérieur, il nous transporte dans les coulisses des débats d’idées et parfois des brutalités qui dominent l’espace politique ou l’actualité récente au Cameroun: les échanges au sein de la Commission de recensement des votes de l’élection présidentielle de 1992, les péripéties du conflit avec le ministère de l’Administration territoriale à la suite de l’éditorial au titre transpirant exaspération et révolte « Ballot or Bullet » , l’affaire des 21 décrets de l’armée, celle du bébé volé de Vanessa Tchatchou, la démission de Titus Edzoa, les coulisses de l’opération épervier…

Au-delà de ces regards rétrospectifs, c’est également l’histoire du développement et de l’essor de médias à capitaux privés que parcourt l’auteur. Les moments de gestation de Mutations jusqu’à sa parution le 7 juillet 1996. Une visite guidée, en première classe, des grands moments de la vie de ce journal qui représente l’aboutissement d’une « volonté de prise en main de leur destin professionnel » par de jeunes journalistes , histoire de faire mentir les modèles et idées admises sur la seule fonction publique comme mode d’épanouissement.
Évidement, n’échappent à cette immersion, les soubresauts et combats qui ont jalonné les moments de la vie des acteurs et auteurs de la naissance du quotidien Le Jour et l’expérience de Les Éditions du Schabel, un éditeur porté vers les voix de la rupture.
Il s’agit d’un témoignage brut, qui est dans son essence et sa finalité , un matériau de réflexion sur l’avenir des médias au Cameroun.

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8 avis pour J’aime l’odeur de l’encre au petit matin sur le papier

  1. admin

    HAMAN MANA ET « L’ODEUR DE L’ENCRE… »

    Ce jeune enfant à Mbouda, dans l’Ouest du Cameroun, en extase devant des camions « Magirus Deuzt »,  » Benz »…qui rêve de faire de chauffeur de camion son futur métier…

    Cette brave maman qui élève seul son enfant sans que rien d’essentiel ne lui manque, le père étant absent, dans ses contrées d’excès difficile…

    Qui met un point d’honneur à élever son fils comme peu de femmes le feraient de nos jours, même un homme à leurs côtés.

    Des les premières pages du nouveau livre de Haman Mama « J’aime l’odeur de l’encre au petit matin sur le papier », on comprends que sa maman a été pour beaucoup dans le « fabuleux destin » du journalisme émérite.

    UN ITINÉRAIRE INITIATIQUE BIEN BALISÉ

    Combien de femmes au Cameroun et surtout dans l’arrière pays, pouvait dans les annees 1970, être abonné au journal « Jeune Afrique »; à  » la sélection de Reader’s Digest »…

    Combien, toute jeune avec enfant à charge, pouvait s’adonner à ce rituel du suivi des journaux radiodiffuses sur son « parpaing de 15 », comme l’écrit Haman Mana pour décrire son émetteur-radio ?

    Combien savaient lire et écrire ?

    Comment ne pas se mettre au « garde à vous » lorsqu’on constate que maîtresse d’école, cette mère va se former toute seule et se battre pour finir Institutrice afin d’accorder à sa famille le meilleur ?

    De toutes les façons, une femme qui, à l’époque, possédait un « tourne disque » acheté par elle même ; qui pouvait se procurer un « 33 tour » de Fela Kuti (Lady), qui dansait le « jerk » ne pouvait que entrainer le jeune Haman vers l’univers de « l’information et de la culture ».

    LE VIRUS DU JOURNALISME

    Paradoxalement, l’homme qui a créé de nombreux journaux, enseigné le journalisme au Cameroun et aujourd’hui aux USA, n’a jamais été attiré par ce métier: mais c’est comme si une main mystérieuse l’entrainait, de maniere inexorable vers la profession de journaliste.

    Des son entrée au lycée de Mbouda, un ami l’introduit dans l’équipe du journal du lycée; à l’université, un autre le force presque à déposer son dossier au concours d’entrée à l’unique école de journalisme où sur des milliers de candidats, il se retrouve, pratiquement par inadvertance, parmi les 23 reçus.

    Tour à tour fonctionnaire au ministère de la communication, journaliste à « Cameroon Tribune », au « Messager » de Pius Njawe…il lancera les journaux « Mutations » et « le jour ».

    Son dernier ouvrage montre l’incursion d’un jeune camerounais dans l’univers de la presse camerounaise où la prison n’est jamais loin: il en fera d’ailleurs les frais.

    LE CONFLIT HAMAN/AYANGMA AU SUJET DE LA PROPRIÉTÉ DE « MUTATIONS »

    Ce n’est pourtant pas les seuls intérêts de cet excellent ouvrage réalisé avec brio par  » Les Éditions du Schabel ».

    Protais Ayangma, ( l’un des nouveaux patrons de Gecam) et Maurice Kamto décident, à l’époque, de trouver un jeune journaliste pour coordonner un nouveau projet éditorial.

    De manière surprenante, l’auteur nous apprend que le financier supposé, Protais Ayangma, n’a financé que 3 éditions de ce quotidien en…11 années; ensuite, il a décidé de l’éjecter de la tête de journal: la bataille qui s’en est suivie justifie à elle seule l’achat de ce livre.

    LA MACHINE DESTRUCTRICE DE L’ETAT-RDPC

    Il ne s’agit pas, pour Haman Mana, d’un réquisitoire contre le Rdpc et son fondateur: mais l’itinéraire initiatique et professionnel de l’auteur montre à quel point ceux qui dirigent actuellement ce pays, ont détruit tous les fondamentaux laissés par leurs « illustres prédécesseurs ».

    Mensonges, petites et grandes escroqueries, actes barbares…sont les mamelles du pouvoir à partir de 1982:

    – Des son entrée à l’école de journalisme, Haman Mana est quasi traumatisé par l’arrestation, devant les étudiants, de son enseignant Ferdinand Chindji pour des raisons politiques: les étudiants ne le reveront que presque une année plus tard.

    Pour les calmer puiqu’ils menacent de faire grève, le directeur de l’école, Jacques Fame Ndongo leur propose le paiement immédiat de leurs bourses: l’achat des consciences a commencé.

    Le nouveau chancelier de l’université, Laurent Esso, offre des chaussures et tenues aux étudiants et organise des marches de soutien en faveur du régime : c’est le début de la fin de notre formation universitaire ;

    – Cette désinformation orchestré par Fame Ndongo, ( Henri Bandolo dans l affaire des délégations en faveur de Jean Nkuete) lors du lancement du Sdf qui obligent les journalistes à reprendre, à la virgule près, la fausse information selon laquelle les 6 morts de Bamenda ont été piétiné et non tué par balle;

    – Ce pauvre journaliste signataire de faux articles venant de la hiérarchie qu’on abandonne à son triste sort devant les tribunaux face à Fru Ndi…

    – Ces bourses d’étudiants ; ces formations à l’étranger qu’on supprime progressivement…

    – Ces journalistes de Cameroon Tribune qui ayant passé des années à « mentir » pour le compte du régime qui un matin, se trouvent bloqués à l’entrée de la société et qui reçoivent leur lettre de licenciement…

    – Ce jeune journaliste répondant au nom de Haman Mana qui est obligé d’écrire un article sur le sujet, en sentant le souffle menaçant de son patron, Celestin Ndembiyembe, derrière lui…

    UN OUVRAGE PARFAIT ?

    La perfection existe t-elle dans ce monde ? Proche de la perfection, cet ouvrage est un formidable voyage à travers le temps: l’auteur y retrace les 33 années passées dans le journalisme qu’il a fini par aimer, peut-être à son cœur défendant; il est en plus un livre d’histoire qui pourrait tirer sa source dans la 1ere année des études universitaires de l’auteur à la faculté des lettres.

    J’ai néanmoins, presque honte de relever deux incorrections:

    – Dans l’affaire des délégations de pouvoirs ( je vous invite à lire cet intéressant épisode dans le livre ) qui a conduit le directeur de la Sopecam/Cameroon Tribune Zambou Zoleko et Jean Boudou en prison, Jean Kuete, le bénéficiaire de cette délégation, n’est pas Secrétaire Général de la Présidence de la République, mais Secrétaire Général du Gouvernement.

    Et c’est ça qui provoque le courroux des extrémistes bulu qui jugent que Paul Biya, après la suppression du poste de 1er ministre, a remis le pouvoir à un Bamiléké.

    – L’auteur indique aussi que Monseigneur Ndongmo n’était plus revenu de son exil au Cameroun avant son décès: c’est inexact puisque je me souviens de mon père à l’aéroport entrain d ‘attendre son ami après toutes ses années d’exil: malgré l’immense foule qui l’entourait, l’évêque a juste eut le temps de crier: « Simeon, prends ce sac et va m’attendre à Dschang ».

    Jusqu’à l’arrivée de Monseigneur à la maison à Dschang où toute la famille était réunie, mon père surveillait ce sac comme un chien de garde bien dressé.

    D’ailleurs, j’étais assez fier de lui puisqu’il avait accordé une interview sur ce sujet au mensuel économique « Jeune Afrique Economie ».

    Il y a vraiment trop d’informations dans cet ouvrage au point où je suis sûr qu’il fera date dans notre histoire.

    Au moment où je termine ce résumé qui va au delà d’une simple note de lecture, je tremble à l’idée qu’au lieu de rédiger « j’aime l’odeur de l’encre au petit matin sur le papier », l’auteur aurait pu rester sur ses premiers « amours » avec pour titre  » j’aime l’odeur de l’huile de moteur que le chauffeur- mécanicien vérifie chaque matin avant de démarrer son camion »: nous aurions beaucoup perdu au change.

    Benjamin Zebaze
    Ndi Nkeum Motissong

  2. admin

    Note de lecture J’aime l’odeur de l’encre au petit matin sur le papier d’Haman Mana

    Lorsqu’on tient ce livre de 400 pages en main, on se demande, ce que l’auteur va dire, qu’il n’ait déjà dit.
    C’est la trajectoire d’un professionnel et d’un citoyen né à Mbouda, qui mène une enfance tranquille sous influence de son grand-père, sa mère enseignante et de son oncle Administrateur civil. Il fréquente l’école publique, puis le lycée public et s’inscrit à la FLSH, au Département d’Histoire et Géographie de l’Université publique de Yaoundé (l’unique de l’époque). Il présente le concours d’entrée à l’ESSTI, école de journalisme à la même université (sans véritable conviction puisqu’il n’avait jamais rêvé d’une carrière de journaliste) et y est reçu.

    Dès son entrée à l’école de journalisme et après, l’auteur fait connaissance de personnes qui vont marquer et l’accompagner dans sa carrière : des personnages connus, mais aussi des collègues, des collaborateurs, ou d’autres confrères, des personnes de lumière ou de l’ombre.
    A sa sortie de l’école de journalisme, il effectue un bref séjour au Ministère de tutelle, le Ministère de l’Information et de la Culture, sanctionné par une demande d’explications…
    Puis il glisse à Cameroon-Tribune, le quotidien gouvernemental, ou du moins Sopecam qui édite Cameroon-Tribune et le magazine Week-end tribune. Il y parfait les rudiments du métier, puis complète sa formation de journaliste spécialiste, dans le domaine de l’environnement, au second cycle de l’Esstic, nouvellement ouvert.
    Il s’engage au journal Le Messager, tente de mettre en place un titre: Ozone, et ensuite, fait partie de l’aventure de South Media Group comme DP, qui lance Mutations, puis Cahiers de Mutations et Situations. Cette aventure se termine 11 ans plus tard. Commence alors l’aventure avec Le jour, et du petit (mais non moins important), les éditions du Schabel.

    Alternativement à ce parcours dans les médias, il intervient selon diverses casquettes, qui à l’ESSTIC, qui à l’UPAC, qui à l’Ecole de Guerre, ou contribue sous pseudo, dans divers titres.
    Quelques highlights de ces 35 ans comme professionnel :
    – La couverture des travaux de la Commission de recensement des votes pour l’élection présidentielle de 1992
    – La création de Mutations et autres publications, (censure, tentative d’interdiction, intimidations…)
    – La publication des 21 décrets de réformes de l’armée, ce qui lui a valu de séjourner au SED
    – L’affaire du bébé de Vanessa TCHATCHOU
    – Création de Le jour
    – Création des Editions du Schabel, dont la première publication a été la route des chefferies, et l’occasion manquée d’éditer les mémoires de Lapiro de Mbanga
    – L’affaire Martinez Zogo

    Je ne m’attarderai pas sur quelques coquilles et certains mauvais usages de l’espace insécable avant la ponctuation, ce qui rend désagréable une ligne qui commence par « : ».
    Je suis un peu étonné qu’en observateur averti de l’actualité camerounaise, qu’il ne soit pas fait mention du conflit au NOSO, qui ronge le pays depuis bientôt 8 ans, et qui menace l’intégrité du territoire.

    Les 400 pages illustrées peuvent se lire selon un ordre des chapitres désiré.
    Dans un style qui se laisse lire, en empruntant des formules courantes, l’auteur jette un regard sur la Société, avec un narratif faussement anecdotique :
    – Problèmes d’orientation scolaire : ce brillant journaliste aurait pu finir brillant « chargeur » à la gare routière de Mbouda.
    – Répression: dès qu’on n’est pas perçu en mode « atalaku », on est forcément ennemi du Régime
    – Insuffisance d’infrastructures
    – Régime néo-colonial dont le second n’est que le prolongement du premier, ce qui vaut des unes « Les sauvages », ou encore « La traque au faciès »
    – Tribalisme maladif sur des sujets importants
    – Difficultés techniques, règlementaires et financières de la presse privée, censure, stabilisation de l’équipe, incompréhensions et punitions

    Sous un air faussement nonchalant, il apparaît comme un personnage :
    – Responsable dans l’exercice de son métier,
    – Soucieux du travail d’équipe, à l’écoute de ses collègues, de ses lecteurs, de ses partenaires, et qui sait flairer les bons coups
    – Professionnel, cyniquement froid dans le jugement, pour emprunter son terme
    – Soucieux de la liberté d’expression (mettre en visibilité les prisonniers du Président, ou leur donner la parole par exemple)

    Son parcours lui permet de dresser le portrait d’un bon journaliste : cynique, implacable, teigneux, persévérant, provocateur. Et c’est assumé. Il est en même temps soucieux de l’avenir du journalisme devant la concurrence du numérique. Pour cela le journaliste doit rester dans les 3D : Diffusion, Déontologie, Démarcation.

    Après l’accident du train d’Eseka en 2016, il lance dans un éditorial : « A tous les Camerounais, il est utile de rappeler que les morts ce sont leurs morts. Les morts de nos démissions individuelles et collectives, devant un système où chacun a choisi la solution de l’évitement ou de la collaboration intéressée ». Plus tard sera cité Aimé Césaire dans la célèbre formule de la « foule qui ne sait pas faire foule ». On ne peut être plus clair sur une institution qui est en panne. Au Cameroun, on tire à boulets rouges sur l’Exécutif, le Législatif et le Judiciaire, oubliant d’assumer son rôle de citoyen. Or c’est parmi les bons citoyens qu’on recrute les bons politiciens.

    Pour ponctuer ce voyage, les éditions du Schabel, cerise sur le gâteau, ne masque pas la tristesse de la fin :
    – L’affaire du bébé de Vanessa Tchatchou
    – L’affaire Martinez Zogo
    C’est aussi une note d’inquiétude, car malgré la mise sous les projecteurs de ces drames, la justice tarde à rétablir la vérité.

    Ce livre est un reflet d’une société, sous le prisme d’un reporter, d’un secrétaire de rédaction, d’un chroniqueur, d’un Directeur de publication, d’un chef d’entreprise, d’un éditeur, bref d’un citoyen responsable, sur la société, à travers son riche parcours. La famille, bien qu’apparaissant furtivement, est toujours là. Les amis et connaissances aussi.

    L’actualité est ponctuée de faits, dont on ne se souvient que de ceux qui ont été mis en lumière. Que dire de ce qui passe sous silence, bonne ou heureuse, inspirante ou dégoutante ?
    Surtout ne vous privez pas de lire cet ouvrage, c’est simplement du Haman Mana. Il se laisse lire, dans le sarcasme, la dérision, la simplicité, la vivacité du ton connu de l’auteur.

    A. Kuete
    Observateur de près de 50 ans

  3. admin

    Un jour de l’automne 1998, consultant à L’Ecole Supérieure de Journalisme de Lille en  » formation des formateurs », je suis abordé par un étudiant – un camerounais sait en reconnaître un autre- …Depuis le temps, il est né entre Théophile Kouamouo et moi, une amitié fondée sur une passion partagée : Le journalisme. Il a eu une carrière bien » agitée « , depuis l’Autre Afrique, Le Monde et ses aventures ivoiriennes…Lui, devrait à ce jour bien pouvoir dire des choses bien intéressantes…
    Il a lu et aimé  » J’aime l’odeur de l’encre au petit matin, sur le papier « .
    De sa belle plume, il a redigé ce témoignage que je partage avec vous!

    Hello, chef,

    Je viens de finir ton livre que j’ai vraiment avalé de manière gloutonne, ce qui m’a valu des nuits blanches – mais en ce moment j’ai des insomnies, donc il était plus un compagnon qu’autre chose…
    Ce livre, écrit d’une écriture leste et agréable, très visuelle et faisant appel à un riche lexique (on se rend compte que le vocabulaire de la presse s’appauvrit), m’a procuré beaucoup d’émotions.
    D’abord parce qu’il me révèle qui tu es (je le savais déjà mais il va plus loin), et je me rends compte à quel point ce que tu as vécu me parle.
    D’abord les tendres années. Tu as fait pour la première fois l’expérience du journalisme au lycée sans pour autant vouloir être journaliste. Pareil pour moi ! Je voulais être écrivain – et mon père disait que ce n’était pas un métier… J’ai “créé” mon premier “journal” en 4ème au lycée Leclerc mais c’était une feuille de chou satirique destinée à chambrer mes petits camarades… Puis j’ai été dans le journal du “Club Unesco” (la tradition murale étant déjà bien installée) au lycée de Bangangté, notamment avec Patrick Fandio et mon frère Hervé, qui ont par la suite plongé dans la profession. Les odeurs et les ambiances du lycée de Mbouda qui ressortent de ton livre ressemblent tellement à celles de notre lycée de “Bangoss-City”.
    Je n’ai pas été à Ngoa, mais j’y ai séjourné quelques années après toi puisque je venais en vacances au Cameroun tous les ans et que je traînais avec mes amis et cousins qui y étaient. Mais l’atmosphère était beaucoup plus désespérée. Les espoirs de l’époque du Parlement avaient été douchés, les baisses de salaires de nos parents actées, “l’epsi” avait disparu, la fac était payante et les accidents n’étaient pas si rares sur la route de Soa. C’était le “sauve qui peut”, tout le monde voulait se barrer…
    Ce livre m’a permis d’en savoir plus sur la création, les crises de croissance et la crise finale de Mutations, que je ne connaissais pas tant que cela, bien qu’ayant été un compagnon de route du journal, et ce depuis notre première rencontre – qui fut pour moi un éblouissement à l’ESJ Lille où j’étais étudiant et où tu venais, je crois, en consultant pour ESJ-International… Ce moment à partir duquel tu m’as considéré comme un confrère, presque un égal, et pas un “petit” à prendre de haut…
    Bref. Être viré de son journal, être dépossédé de son bébé, c’est terrible, et je l’ai également vécu en 2007, quand mon associé m’a jeté à la porte, alors que j’avais quand même 50% des parts.
    Fuir également. Fuir un pays qu’on n’imaginait pas quitter parce que les menaces sur notre vie deviennent trop fortes pour être ignorées. Je l’ai vécu !
    Ton livre est également un manuel pratique de management d’une entreprise de presse en contexte “dominé”. Savoir dénicher les jeunes pousses les plus prometteuses, en sachant pertinemment qu’elles partiront car l’herbe est bien plus verte ailleurs. Véritable travail de Sisyphe mais au final la récompense est au bout : ces « jeunes talents », selon l’expression d’une émission musicale qui a marqué l’histoire de la télévision camerounaise, partent pour devenir !
    Ce qu’il y a de triste à la lecture de “J’aime l’odeur de l’encre au petit matin sur le papier”, c’est qu’on se rend compte que cette épopée de la fin du vingtième siècle est désormais impossible. Aujourd’hui, le “lâchage” de Protais Ayangma signerait la mort de Mutations. Puisque les journaux ne s’écoulent plus assez pour que les ventes assurent au moins la survie du titre. Le journalisme peut-il survivre sans lecteurs qui paient, sans ce pacte implicite entre les deux parties, qui ressemble à celui qui relie la “mamie makala” et ses fidèles clients ? Ton livre raconte aussi un monde qui meurt, et c’est ce qui l’emplit d’une lancinante nostalgie. Nos enfants ne connaîtront pas l’odeur de l’encre au petit matin sur le papier. Comme se demande le chef des Diallobé dans L’Aventure ambiguë : «Ce qu’ils apprendront vaut-il ce qu’ils oublieront ?»
    Ce que j’ai également pu mieux comprendre, c’est le long chemin qui te mène vers la radicalité journalistique. Au fond, face au Messager notamment, le journalisme de type Mutations a pu apparaître aux politiques comme la “normalisation” d’une sorte d’opposition non directement politique qu’Henri Konan Bédié appelait avec dédain, mais un certain sens de la formule, les “hypocondriaques écrivants”. Un journalisme “de Yaoundé”, produit par des enfants de l’ESSTIC, donc du système, reliés à lui par un fil invisible tout de même – “ne pas insulter l’avenir”. A relativiser quand même, parce que “ballot or bullet”, c’était déjà fort. Mais la perception est la réalité.
    Et puis patatras. “Quand les temps sont durs, vient le temps des durs”. Tu te “mongo-betises”, et te “njawises”, parce que tu es obligé. Parce que “quand la calvitie passe dans un village, et qu’elle ne trouve pas les vieillards, elle tombe sur la tête des adolescents”. Parce qu’il faut bien assumer ses responsabilités face à une histoire qui bégaie, une nation qui pourrit sur pied. A partir de ce moment, la porte de sortie t’est indiquée.
    Quel pays !

  4. admin

    Alphonse Ateba Noa fait partie de la  » deuxième vague  » de jeunes arrivés à Mutations , après les  » Founding Fathers » il a écrit cette remarquable note de lecture….

    Note de lecture
    J’ai lu le livre de Haman Mana
    Il répond à la question, stupide : « il y avait quoi avant ? »

    « J’aime l’odeur de l’encre au petit matin sur le papier, 35 années de journalisme au Cameroun » est un fabuleux récit sur le pays de Paul Biya. Plus qu’un témoignage, et sous le « fallacieux » prétexte de raconter ses presque quatre décennies de journalisme, l’auteur propose une peinture d’un pays jadis prospère, mais qui se délite et se dévoie chaque jour davantage, sous le regard hagard d’un peuple anesthésié et d’une élite complice : le Cameroun. Et comment donc ?

    D’abord en jouant le bon historien, qu’il est au sens de « la connaissance du passé basée sur les écrits » comme les bons instituteurs d’antan l’enseignaient aux studieux écoliers du primaire d’alors (est-ce encore la cas aujourd’hui ?), ensuite en revêtant son manteau d’historien du présent, titre qu’on donne généralement aux journalistes.
    Sans le dire, mais en le disant tout de même dès l’entame de son ouvrage, l’auteur revendique à travers cet ouvrage profond, son « seul dessein (…) de consigner par l’écrit une histoire… ». Tout ici est dans cette expression « par l’écrit » en référence à cette définition suscitée. Ensuite, il raconte dans les pages qui suivent, son rêve d’enfant de faire, par admiration pour Mvomo Ella Wulson et Fotsing Jean-Marie, ses deux professeurs d’histoire-géographie du Lycée de Mbouda, « des études d’histoire pour déboucher sur l’enseignement ». Et, écrit-il dans une des nombreuses formules sentencieuses qui noircissent les 401 pages de ce récit historique, « Voilà pourquoi, après mon baccalauréat A4, c’est sans hésitation que je m’inscris en histoire géographie à l’université de Yaoundé ». C’est donc clair, le projet éditorial de Haman Mana est d’abord œuvre d’historien.

    La suite de l’ouvrage s’inscrit dans cette logique. « J’aime l’odeur de l’encre au petit matin sur le papier, 35 années de journalisme au Cameroun » raconte l’histoire du Cameroun sous l’ère de monsieur BIYA. Celui des années 80, à l’aurore de la transition politique qui portât l’homme du « Renouveau » au pouvoir suprême. Le récit de cette époque-là, sous la plume de Haman Mana, décrit un pays qui vit des survivances du régime qui l’aura précédé : celui de Amadou Ahidjo, premier président du Cameroun indépendant, dans ce qu’il a de « peurs » et de lueurs.

    Côté « peurs », le livre laisse échapper une odeur nauséabonde des sarcophages des « héros » (On aurait pu écrire des « terroristes » pour plaire aux dirigeants) de la guerre d’indépendance « dans un pays où prononcer certains mots, UPC, Um Nyobe, Main basse sur le Cameroun se fait à voix basse, même en famille, car on ne sait jamais qui ira vous vendre à la terrible Dirdoc ». Autre fresque historique de cette époque-là, l’arrestation par « des agents du Cener, la police politique » en plein campus universitaire un matin d’octobre 1985, devant tous les étudiants apeurés, du plus « excentrique, le plus expérimenté, le plus érudit (…) un sociologue à la base, mais qui avait tout fait : le journalisme, les maquis d’avant-indépendance, l’enseignement dans le secondaire ». Une affaire dramatique qui s’acheva ce même jour, du moins sur le campus, par une pièce de théâtre savamment montée et brillamment jouée par le Directeur de l’ESSTI d’alors, « Jacquot » Jacques Fame Ndongo. Il fit venir tous les étudiants dans l’amphi 300, le plus grand de l’école et leur parla ainsi : « chers jeunes gens, chers étudiants, le chef de département des enseignements généraux de l’École, M.Ferdinand Chindjeu Kouleu, a été appréhendé ce matin par des éléments du Cener, pour des besoins d’enquête, sur une affaire qui ne concerne pas l’ESSTI, donc ne vous concerne pas. Aussi, je vous demande de vaquer tranquillement à vos occupations académiques ». Avant de continuer son monologue (c’est un genre théâtral des plus exquis) « J’ai de bonnes nouvelles pour vous : les bourses qu’on attendait depuis quelques semaines ont enfin été débloquées par le Trésor public ». Puis, s’adressant à l’intendant de l’école : « M. Yogo, les étudiants peuvent-ils passer chez vous après cette réunion ? ». Game over ! Fin de la pièce (comme on dirait dans le jargon du théâtre), voulant aussi dire fin du mouvement d’humeur naissant sur le campus de l’ESSTIC. « Nous reverrons M. Chindji à l’école neuf mois plus tard…c’était l’un des détenus de l’affaire dite des tracts de l’UPC ». Conclut Haman. C’est donc pas d’aujourd’hui que date le contrôle du peuple par le pain et la sardine !

    Il y a également dans cette série racontée par l’auteur de « J’aime l’odeur de l’encre au petit matin sur le papier, 35 années de journalisme au Cameroun », plein d’autre histoires similaires : celle du défilé des étudiants de l’université de Yaoundé le 11 février 1986 et qui fut présenté par le chancelier (l’équivalent de recteur aujourd’hui), Laurent Esso, comme une marche de soutien des étudiants au chef de l’État contre une paire de tennis, la « Spring Court, la plus prisée par la jeunesse de cette époque-là » et un « joli survêtement de marque Adidas ». Les marches et les motions de soutien d’aujourd’hui tiennent probablement leur ancêtre de cet évènement-là.

    Il y a ensuite cette affaire du directeur de la rédaction de Cameroon Tribune, Jean Boudou et de son Directeur Général, Joseph Zambou Zoleko « qui séjourneront à la Brigade Mixte Mobile, de triste réputation », raconte Haman Mana, pour avoir osé publier un décret fixant les attributions du Secrétaire Général de la Présidence de la République (Tiens, tiens, à l’époque déjà !) ; cette autre affaire aussi aux relents similaires de ce « papier manuscrit à l’encre noire, avec plusieurs ratures » rédigée par le ministre de l’Information et de la Culture d’alors, Henri Bandolo, corrigée par Jacques Fame Ndongo (encore lui), mais qu’on fit signer par un journaliste de Camerron Tribune, qui le publia. André Vincent Ekani, un autre journaliste de Cameroon Tribune qui écrira à la suite de cet article un papier de commande au vitriol contre John Fru Ndi, le « petit libraire » « affrontera – seul – un procès en diffamation, qui l’obligera à des déplacements fréquents et fastidieux sur Bamenda », à la suite d’une plainte en bonne et due forme du chairman du SDF. Seule la mort après un long procès de 7 années sonnera l’arrêt des poursuites judiciaires contre le pauvre homme.
    Voilà, en quelques morceaux choisis, pour le côté « peurs ».

    Côté lueurs à présent, il y a du grain à moudre et l’historien du passé basé sur les écrits, s’en donne à cœur joie. Tiens ! On apprend dans le récit de Haman Mana que dans les années 80 et celles qui les ont précédées, les institutrices d’école primaire (maître de l’enseignement général) lorsqu’elles allaient aux salaires à la fin du mois, après avoir acheté tous les biens de subsistance quotidienne (riz, poisson, huile, savon, pétrole…), avaient encore dans leur porte-monnaie, de quoi s’offrir le luxe d’un exemplaire de « Jeune Afrique » ou « d’un 45 tours qui était à la page ». On apprend aussi qu’il y avait les professeurs de lycée qui « imposaient par leur prestance et leur aisance » au point de susciter des…vocations (!), roulaient carrosse (des Renault 5 à l’époque) et portaient « des jeans à la dernière mode ». Les promoteurs du mouvement OTS (On a Trop Supporté) croient probablement à un conte de fée en lisant ce chapitre !

    Il y avait dont tout ça avant ? Que si, et pas que… Il y avait aussi, révèle « l’Histoire du Cameroun » selon Haman Mana, 60 000 étudiants de l’Université de Yaoundé, qui touchaient mensuellement une bourse de 30 000 Francs CFA et qu’ils appelaient dédaigneusement « Epsi » (voulant dire epsilon, et donc trop petit). Il y avait des journaux privés camerounais « Le Messager », « Challenge Hebdo » qui tiraient entre 80 000 et 125 000 exemplaires l’édition et se les faisaient arracher dans les kiosques. Cameroon Tribune lui-même pointait à 50 000 exemplaires le tirage contre à peine 15 000 aujourd’hui dont 10 000 vendus par abonnement aux administrations publiques. Il existait « dans tout le Cameroun, à peu près 150 points de vente de journaux, y compris à Kousseri où le journal arrive à J+1(…). Un quart de siècle plus tard, ce réseau se sera effondré ». Il y avait des étudiants de l’ESSTI, l’école de journalisme de l’époque qui, au terme de leur 3ème année, effectuaient un stage de 5 mois à l’étranger au cours duquel ils faisaient avec d’autres confrères de l’Afrique de l’Ouest, le tour des grands médias américains, canadiens et français, avant de revenir soutenir leurs travaux de fin de formation à Yaoundé.

    Dans le même registre des lueurs, ces survivances des années « d’avant », il y avait la Camair qui desservait plusieurs capitales occidentales avec son Boeing 747, « la huitième province » et africaines avec le Boeing 737. Il y avait Camship dont les navires battaient pavillon Cameroun et dont l’imprimerie de SOPECAM (éditeur de Cameroon Tribune) imprimait les publicités de même que les étiquettes de bière des Brasseries du Cameroun et les factures de la Sonel !

    Vient à présent l’historien du présent. Le journaliste, le vrai, le bon, le talentueux (mais Haman Mana déclare ne pas aimer ce qualificatif parce qu’on ne dit pas dans d’autres corps de métier que ceux qui les pratiquent sont talentueux seulement parce qu’ils font bien leur travail, selon les canons et standards de leur profession). Son livre est en lui-même un « grand reportage », un genre journalistique qui se distingue par sa profondeur, sa richesse et son approche narrative captivante. Il s’agit d’un travail de longue haleine qui permet au journaliste de s’immerger dans un sujet, d’en explorer toutes les facettes et de raconter une histoire captivante à ses lecteurs.

    Ainsi en est-il du livre de Haman Mana dont il dit lui-même d’entrée de jeu, et en guise d’avertissement, « qu’on peut le lire comme un article de presse dont les différentes césures sont autant d’intertitres, comme on le dit dans la profession ». Tout est dit. La suite, on la connait : le récrit commence par son enfance auprès de sa mère à Mbouda où il revit ses rêves d’enfant. D’abord chauffeur de camion, ensuite prof d’histoire, il tombe de manière toute à fait fortuite dans l’équipe de rédaction (et de production) de l’écho du Lymbo, le journal du Lycée de Mbouda, mais sans vraiment se passionner outre mesure pour le journalisme. Puis vint l’université, naturellement le département d’histoire tant rêvée.

    Une Histoire pouvant en cacher une autre, c’est finalement dans l’école des historiens du présent que l’auteur posera son cartable, pour en ressortir, sans y avoir rêvé vraiment, journaliste. Mais quel journaliste ! Celui qui se fait remarquer dès les bancs de l’école par les grandes rédactions. Encore étudiant, il prend son bail à Cameroon Tribune, la plus grande des tribunes de l’époque dans tous les sens, dont il deviendra quelques années plus tard à la sortie de l’ESSTI (c’est comme cela qu’on appelait l’ESSTIC d’aujourd’hui), Secrétaire de rédaction, puis l’homme à tout faire, « une espèce de factotum auprès du directeur de la rédaction d’alors ». Le jeune journaliste est happé par le métier et parcourt, au gré des reconnaissances de son talent, les rédactions : « Le messager », « Ozone », « Fraternité », et ensuite, le graal, « Mutations » et les autres titres du groupe de presse dont il construit la grandeur et la splendeur avec ses tripes, son intuition, son génie et un peu aussi son aversion pour tout ce qui est conventionnel. Le « Jour » arrive à la fin du parcours du combattant de la plume comme un défi contre les « grands », et ce combat-là, il l’aura gagné à tout point de vue.

    Dans ce récit épique, l’auteur de « J’aime l’odeur de l’encre au petit matin sur le papier, 35 années de journalisme au Cameroun », ne laisse rien de ce qu’il aura appris durant 35 ans du journalisme des techniques rédactionnels propres au grand reportage. Il ancre son récit dans l’actualité du Cameroun d’aujourd’hui : l’élection présidentielle de 1992 où le pouvoir vacilla, les 40 ans de règne de l’actuel président de la République dont il dit qu’au « début des années 2000, le Cameroun est déjà rassasié du régime de Paul Biya », le règlement des comptes politiques sous l’habillage judiciaire (la bien nommée « Opération Épervier »), la « marche » du MRC et la violente répression qui en a suivi, la dramatique épopée du « bébé de Vanessa Tchatchou », l’odieux assassinat de Martinez Zogo…La diversité des sujets auxquels il touche crée de l’intérêt chez le grand public et soulève des questions importantes pour le lecteur.

    Un autre éléments clé du grand reportage que l’ancien patron de « Mutations » manipule à la perfection, est l’approche approfondie des sujets qu’il aborde et qu’il ne se contente pas de survoler. L’auteur mène une enquête minutieuse, recueille des témoignages multiples et analyse les différentes perspectives. Il rend le tout au travers d’une histoire (ou plutôt des histoires) captivant.e.s qui transporte.nt le lecteur au cœur de l’action. Le grand reportage de Haman se distingue enfin par son style littéraire soigné, sa très grande culture générale et sa richesse de vocabulaire. Le journaliste utilise des descriptions vivantes, des dialogues percutants et des réflexions personnelles pour donner vie à son récit et finalement à son témoignage volontairement orienté et clivant sur le Cameroun d’hier et d’aujourd’hui.

    Vous avez osé demander, « il y avait quoi avant ? » Il y avait Haman Mana, pardi, pour capter tout ça et nous le raconter ! Aujourd’hui, loin de son pays, sur sa terre d’exil, peut-être nous ramènera-t-il, plaise à Dieu, un autre grand reportage qui racontera le Cameroun d’aujourd’hui et de demain, vu de l’Illinois aux Etats-Unis d’Amérique d’où ce magnifique ouvrage a été écrit.

    Alphonse ATEBA NOA
    Ancien journaliste (à « Mutations »)

  5. admin

    ÉCRIRE POUR LAISSER DES TRACES

    J’AIME L’ODEUR DE L’ENCRE AU PETIT MATIN SUR LE PAPIER

    Cette odeur de l’encre au petit matin sur le papier est une odeur si caractéristique que je l’ai moi aussi humée avec tant de plaisir auprès de ma Polygraph allemande de rotative. 10 ans durant vous dis-je, à la tête d’Equateur Media Group, société du Groupe Fadil éditrice des titres Dikalo et Challenge Hebdo.
    Plaisir de privilégiés ? Mais que oui ! Pourtant il n’est pas exclusif. C’est une fragrance particulière qu’exhale la machine quand elle vous crache à son bout, le fruit d’un travail collectif que vous avez organisé et dont le « tchak, tchak » des exemplaires qui s’alignent et s’accumulent vous transporte dans une autre dimension de béatitude. Travail accompli et au suivant pour un bonheur qui se renouvellera.

    Le bonheur de repartir au taquet pour dire, faire savoir, rapporter aux autres les faits qui rythment nos quotidiens et bien des fois par la force de la curiosité, être aussi à notre corps défendant, la vigie désarmée de nos sociétés.

    C’est cette longue expérience de dévotion à ces quelques impératifs du noble métier qu’est le journalisme, qu’Haman Mana a entendu partager avec le plus grand monde. Le bougre qui lui-même ne s’est jamais pris au sérieux, porte un témoignage digne d’intérêt sur l’évolution de ce métier dans un Cameroun en proie à ses mutations et convulsions.

    L’écriture est simple, épurée et aérée. Elle n’est pas dans une linéarité contraignante. Le bouquin peut se lire par bouts détachés sans qu’on y perde en cohérence et musicalité. C’est là tout son charme. Lui-même dans son propos liminaire en page 9 le proclame en guise d’avertissement.

    Le grand mérite de cette publication c’est que pour nous autres de cette génération qui traversons le temps de ses récits, il y a un impératif de transmission auquel nous sommes invités par nos âges respectifs. Trop de nos silences et de nos renonciations couvent le malaise social qui nous étreint. Les acteurs qui se libèrent et font parler leur expérience, contribuent à lever des pans entiers de voile sur pas mal d’incohérences qui mises bout à bout, ont construit cette société de l’absurde dans laquelle nous vivons. La postérité a besoin de ces repères pour comprendre comment sur plus de quatre décades, un peuple promis à un bel avenir, fier de ses potentialités, a sombré dans la vacuité et s’est enfoncé profondément dans l’obscurité. Témoignons donc à nos gloires et misères. Ce sera toujours autant d’adminicules pour comprendre et qui sait, baliser le chemin de l’avenir.

    Célestin Biaké Difana.

  6. admin

    Haman Mana, l’éditorial et moi
    Chez Haman Mana, l’éditorialiste me fascine plus que tout le reste. Et cela ne date pas d’hier. Il a suffi d’une seule lecture d’un de ses textes exquis. Je fus en admiration pour le journaliste, avec la candeur de l’adolescent que j’étais, entré à l’Ecole de journalisme (l’Esstic) sans en avoir rêvé (comme lui d’ailleurs). Au premier contact pourtant, celui qui était déjà mon prof ne m’avait laissé qu’une vague impression dont je peine à me souvenir aujourd’hui. Il faut dire qu’à la rentrée académique 2004, le tout nouveau bachelier que j’étais n’avait qu’une culture menue du journalisme dont il ignorait d’ailleurs l’histoire ou encore les icônes au Cameroun, sinon quelques stars de la télé. Haman Mana était déjà « un grand journaliste » comme on dit chez nous, mais ma jeunesse et mon inculture ne me permettaient de le savoir.
    Tout a changé dès le contact avec ses éditoriaux : un condensé de simplicité, de concision et de densité en même temps, qui témoigne d’un solide bagage intellectuel et d’une maîtrise de l’art d’écrire. Et moi qui découvrais les bienfaits de la lecture si tardivement, j’en avais conclu que le prof Haman Mana lit beaucoup et sait beaucoup de choses. Alors je devais le lire autant que possible. Mais à cette époque, ce modèle que j’avais déniché, écrit déjà peu dans le quotidien Mutations dont il est le directeur de la publication. Ses reportages, ses compte-rendus ou encore ses interviews dans Cameroon Tribune ou Le Messager, que je découvrirai plus tard, ne sont guère à ma portée – je n’ai pas fait un effort particulier pour les trouver. Je me contente donc des éditoriaux qu’il signe dans Mutations. Sa « Lettre », ainsi qu’il l’appelle, parait tous les lundis. Je la lis au gré de mes pérégrinations dans les kiosques à journaux où il m’arrive de payer 100 F.Cfa pour lire sur place, ou encore au gré de mes séjours dans les bibliothèques, notamment celle de l’Esstic et la plus illustre logée au Centre culturel français de l’époque où j’ai été abonné pendant plusieurs années.
    Bon Dieu! Quelle délice les lettres signées Haman Mana ! Plus tard, je me délecterai avec un égal plaisir de ses chroniques dans les magazines Situations et Comnews. Quelle maturité dans l’écriture ! A chaque lecture, je mesurais le fossé qui nous sépare ; et je me demandais si j’allais atteindre pareil niveau un jour. Il n’empêche que j’ai naturellement pensé à la « Lettre » de Haman Mana lorsque j’ai dû rédiger un éditorial comme devoir de classe en troisième année. J’ai tout copié de mon modèle : un texte court et costaud, un style allusif et tranchant, une combinaison de phrase courtes et plus longues (que celles-ci soit simples, composées ou complexes). Mais jamais plus d’une proposition subordonnée relative. La simplicité reste la marque de fabrique de mon modèle. Cela m’a plutôt bien réussi. J’obtiens 14/20, de surcroit la première note comme on dit dans une salle de classe. En guise de cerise sur le gâteau, mon devoir est lu en classe comme « ce qu’il fallait faire », selon la formule de l’enseignant. Ce n’était pas gagné d’avance avec le très rigoureux monsieur Nta à Bitang qui m’a donné l’essentiel des rudiments de la presse écrite durant mon apprentissage à l’Esstic.
    En matière d’écriture, on s’inspire consciemment ou inconsciemment d’autres auteurs pour se forger son propre style qu’on affirme ensuite. Le journaliste ne déroge pas à la règle. Je me suis donc inspiré des éditoriaux de Haman Mana. Je l’ai fait sans en comprendre la technique que personne ne m’a d’ailleurs enseignée durant mes trois années à l’Esstic. Vingt ans après le premier contact avec ces textes, j’ai découvert la clé des succulents éditoriaux de Haman Mana. Il a fallu que je lise encore mon modèle de jeunesse. C’était au réveil ce 30 mai 2024. Comme lui, J’aime l’odeur de l’encre au petit matin sur le papier. Il a été bien inspiré d’intituler ainsi son dernier ouvrage. Après avoir lu ce que d’autres lecteurs en ont déjà dit, j’ai retenu cette autre pépite contenue dans la somme d’expérience professionnelle que partage Haman Mana. Il fallait donc atteindre le chapitre intitulé « L’Editorialiste… » (pp. 365-371), pour découvrir de manière inattendue la technique du maître. Un plan rédactionnel en trois temps. La diversité des sujets abordés. La convocation des images tirées du récit social, ainsi que des références historiques et littéraires. L’exploitation des registres de langue tirées des œuvres artistiques (des plus élitistes au plus mondaines et populaires). Il faut savoir venir au ras du sol pour ensuite voler vers les cimes.
    Malgré plus de 15 ans de commerce professionnel avec Haman Mana, comme son étudiant puis en tant son collaborateur, j’ai davantage appris par ses écrits. Aujourd’hui encore je suis conforté à l’idée qu’il faut le lire pour tirer le meilleur de lui. Vivement qu’il ne cesse d’écrire. Un prochain livre pourrait bien être une compilation de ses éditoriaux. Du déjà vu, dirait-on. Mais tout héritage d’un maître reste précieux.
    Assongmo Necdem

  7. admin

    Témoignage
    Haman Mana livre son journal d’une époque

    Sous prétexte de conter son itinéraire professionnel et de se raconter, le journaliste propose un texte de souvenirs sur les pratiques journalistiques et les mœurs politiques, remis en contexte. Et signe une fresque édifiante du Cameroun des quarante dernières années. Entre confessions, convictions, et révélations.

    Haman Mana n’est pas un amateur de fausses pistes. Mais, avec « J’aime l’odeur de l’encre au petit matin sur le papier. 35 ans de journalisme au Cameroun », il est possible qu’il déroute le lecteur pressé ou distrait. Car, ce qui est une manière d’itinérance mémorielle traitant de sa trajectoire professionnelle, en 400 pages, et 44 repères, et qui se signale d’emblée par l’imposante photographie de l’auteur en couverture, tient autant de sa pratique du journalisme pendant plus de trois décennies, que d’une part de l’histoire du Cameroun sur la même période.

    Homme de presse écrite, plutôt que spécialiste de l’audiovisuel, c’est d’un stylo-caméra qu’il se sert pour offrir un travelling aussi captivant que riche d’enseignements sur le journalisme (ses apparences et ses logiques souterraines), la vie politique de notre pays (ses jeux d’acteurs et ses enjeux). Ombres et lumières. À bien y regarder, cette « Caméra subjective » projette trois catégories d’images sur ce parcours qui mène le lecteur, du Lycée de Mbouda (Ouest Cameroun) à la Medill School of Journalism aux Etats-Unis.

    On y distingue celles qui relèvent d’une entreprise délibérée de « confessions publiques ». Parmi elles, une que l’on qualifierait d’inaugurale, un brin surprenante et rassurante de sincérité. Où l’on apprend que le journaliste, figure éminente, parmi d’autres de la profession au Cameroun, n’a véritablement eu « aucune attirance vers ce métier », lui qui rêvait plutôt d’une carrière d’enseignant d’histoire. Il sera donc, avoue-t-il, au gré de quelque hasard, « historien de l’instant ». Rôle qu’il tiendra avec passion et détermination.

    La deuxième grande catégorie d’images elle, tient aux convictions de l’auteur, forgées par une variété d’expériences et mises au service d’un idéal qui sous-tend sa longue et riche expérience, de journaliste (reporter, rédacteur plutôt porté vers le secrétariat de rédaction), et de directeur de publication. « Le journalisme n’est pas un amusement pour personnes qui veulent jouer avec les mots et se regarder dans un miroir. C’est un combat de tous les instants contre les injustices, les absolutismes, les dictatures, les potentats de tous ordres », (P. 348), assène l’éditorialiste.

    Comme s’il reprenait à son compte, les mots d’un illustre devancier, Albert Londres ; lequel fixait dès 1929, la mission du journaliste. « Je demeure con convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie » . Toute la carrière de Haman Mana, telle qu’il la présente, est inspirée et gouvernée par cet « engagement ».

    La troisième catégorie d’images est celle des révélations. Certaines conduisent le lecteur dans diverses pratiques professionnelles, à Cameroon Tribune, au Messager… D’autres le plongent dans les circonstances et les conditions de création des journaux tels que Mutations, Situations, les Cahiers de Mutations, et Le Jour. L’auteur y livre des détails instructifs, sur les ressources humaines, les sources de financement et les mécanismes insidieux, les moyens logistiques, les points de vulnérabilité et de fragilité, la distribution…

    Sans rien oublier de ses désappointements et des déchirements qui semblent à un certain moment, l’avoir ébranlé, mais en même temps suscité un sursaut d’orgueil. Illustratifs sont à cet égard, les contours du conflit mémorable survenu au sein de la « South Media Corporation », ayant finalement abouti à son départ de ce groupe et au lancement de Le Jour, qui sont dévoilés par le menu. Cet épisode traumatisant de l’itinéraire professionnel de Haman Mana est clairement assumé comme une « guerre », et traité par le biais d’un vocabulaire conséquent : féroce et sans concession.

    Pourtant, quelques-uns des faits d’arme professionnels, présentés comme autant de trophées journalistiques, l’auteur les doit à cette expérience à la tête de Mutations. Comme en témoignent la narration et l’évocation de quelques « affaires » : « les marchés de l’OUA » ; la démission de Titus Edzoa de ses fonctions de ministre de la Santé, assortie de son intention de se présenter à l’élection présidentielle de 1997 ; le bras de fer avec Gilbert Andze Tsoungui, alors tout puissant, Vice-premier ministre, en charge de l’Administration territoriale ; le « Mounchipougate », gros scandale de détournement de fonds au ministère des Postes et télécommunications alors dirigé par Mounchipou Seidou, pris en charge par des manœuvres politiciennes, etc.

    De toutes, celle dite « des 21 décrets de l’armée », apparaît comme la plus emblématique. Un « scoop » retentissant, traitant d’un corps plus que sensible, qui, tout en consolidant la notoriété alors en progression de Mutations, ne s’en accompagna pas moins de l’incarcération du Directeur de publication au Secrétariat d’État à la Défense. Coup de canon ! La pratique du journalisme a un prix.

    Au fil des pages et au gré de cette typologie d’images, émergent, tantôt en relief, tantôt en creux, les états de service que revendique l’auteur, dans la conduite de divers projets auxquels il a contribué à donner corps. Ici et là, de puissantes intuitions -s’agit-il de ce flair- sont servies par les circonstances, l’endurance, la témérité, le sens du casting, le réalisme. Les événements racontés donnent aussi l’opportunité à l’ancien étudiant de l’École Supérieure des Sciences et Techniques de l’Information, devenu journaliste et enseignant de journalisme d’exprimer sa reconnaissance aux compagnons de route et de lutte investis dans divers projets, à un titre ou à un autre.

    Ses héros ne sont évidemment pas en reste, des plus anonymes (quelque chauffeur ou imprimeur), aux plus illustres dont des figures éminentes du journalisme, au rang desquelles un certain Eyoum Ndoumbé (décédé), ses enseignants Jean Paul Gauch qui a inspiré son orientation vers le secrétariat de rédaction et la production des éditoriaux, et surtout Paul Célestin Ndembiyembe, qui « [lui] a transmis sa flamme pour ce métier ». (p.385). En quelque façon, un Bloc-notes d’hommages !

    « J’aime l’odeur de l’encre au petit matin sur le papier. 35 ans de journalisme au Cameroun », bénéficie incontestablement des apports des techniques propres au journalisme, en particulier les avantages de « l’écriture journalistique », dont Jacques Mouriquand dit qu’elle « doit se trouver à la convergence d’une lecture de plaisir et d’une information exacte. Elle doit être efficace : dire beaucoup de phrases et de façon attractive ».

    Pari tenu pour Haman Mana ! Rien de tel que le recours au présent de l’indicatif couplé au choix d’alterner phrases longues et phrases courtes, pour donner du rythme à un récit puissant, qui à partir d’une série d’histoires, propose des éclairages, parfois inédits, sur l’exercice du journalisme et les pratiques politiques en vigueur au Cameroun.

    Ce n’est pas le moindre des mérites de l’auteur, qui, au surplus, offre au lecteur le choix d’un itinéraire de lecture absolument linéaire ou d’un parcours sous forme de mouvements pendulaires, sans rien perdre de la trame d’ensemble, tant les chapitres sont agencés selon une logique qui leur garantit leur autonomie propre, et leur assure néanmoins leur intégration harmonieuse qui concourt à faire sens.

    L’on s’étonnera malgré tout, de quelques regrettables négligences d’ordre syntaxique, et de nombreux anachronismes. Plus grave, on s’inquiètera du peu de rigueur que signalent les erreurs d’orthographe de patronymes pourtant célèbres.

    N’empêche. « J’aime l’odeur de l’encre au petit matin sur le papier. 35 ans de journalisme au Cameroun », viendra à coup sûr, enrichir en la complétant, la connaissance des pratiques journalistiques dans l’environnement social, politique et économique du Cameroun. Et cela, à la suite par exemple de « Mes patrons à dorer » de Se’Nkwe P.Modo ( Masseu, 2006), ou de « Souvenirs d’un chevalier du micro ou l’autre face de la scène politico-médiatique camerounaise » d’Antoine Marie Ngono ( Presses Universitaires d’Afrique, 2007).

    A ce titre, il est d’un indéniable intérêt pour les historiens, les politologues, les sociologues et les spécialistes des Sciences de l’information et de la communication, soucieux de (faire) comprendre certains pans de la marche de notre histoire des quarante dernières années.

    Autant dire qu’en publiant cet ouvrage, Haman Mana fait indubitablement œuvre utile.

    Haman Mana, J’aime l’odeur de l’encre au petit matin sur le papier. 35 ans de journalisme au Cameroun, Yaoundé, Editions du Schabel, 2024, 401 pages. 15.000 FCFA

  8. admin

    MÉMOIRES D’UN DISCIPLINÉ NON-CONFORMISTE

    Il y a 40 ans exactement, je lisais pour la première fois un article de l’auteur, Haman Mana dans le journal de notre Lycée, L’Echo du Lymbo. Il signait alors, Haman TAE (comprenez Haman, Terminale A4 Espagnol). Sa participation dans ce journal, où il était déjà captivé par l’odeur de l’encre au petit matin, constituait probablement les prémisses d’un métier que l’auteur allait embrasser malgré lui.
    “J’aime l’odeur de l’encre au petit matin sur le papier – 35 années de journalisme au Cameroun-”. C’est le titre d’un ouvrage que l’auteur, Haman Mana commet aujourd’hui, en guise de ce que je considère comme le premier tome de ses mémoires.
    Il s’agit d’un concentré d’anecdotes, de rencontres, d’expériences de tous ordres, des risques, et des parti-pris assumés de 400 pages dans lesquelles, l’auteur retrace son parcours de journaliste, son parcours d’homme de presse, son parcours de patron de médias. Bref, sa vie tout court. En 40 séquences, suivant une progression non-linéaire, Haman Mana se raconte avec une précision remarquable. Les souvenirs précis des personnes, des places et des lieux, des circonstances et des contextes, font de son livre un véritable outil de travail pour tout passionné de la vie. C’est un régal de qualité. Un ouvrage qui ne se lit pas en diagonal, mais qui se scrute en profondeur. Je dirai mieux, qui se dévore, à l’image des victuailles qui font un peu partie de la vie des journalistes, comme on le découvre tout au long de ce chef-d’œuvre.
    Le journaliste, dans un style singulier, fait autant usage des canons de la narration historique, probables reliques de ses études superficielles d’histoire, que des codes de la rédaction journalistique, auxquels s’associe un style démonstratif scientifique, où aucun détail n’est négligé.
    Rien de surprenant pour ce journaliste discipliné, formé dans l’une des meilleures écoles des sciences et techniques de l’information au Sud du Sahara (ESSTI). Professionnel dévoué, citoyen engagé et de surcroit non-conformiste, il a pris le parti de faire honneur à sa profession, de respecter les enseignements reçus de ses Maitres, dont le plus illustre d’entre eux, Paul Célestin Ndembiyembe. En prenant à son compte, la règle des « 3 C », à savoir, Couvrir, Composer, Corriger (P.74) ou encore celle des « 3 D », Diffusion, Déontologie et Démarcation (PP.347-348), piliers fondamentaux du journaliste moderne, Haman Mana apparait donc comme un véritable « Watch dog » de sa profession. Un absolu « Canin », mélangeant cynisme et orthodoxie journalistique. Avec méthode, rigueur et respect des codes de l’éthique, l’auteur joue à merveille sa partition de médiateur de la société. Il écrit, informe, dénonce, et prend position.
    Après quelques années passées au Journal Gouvernemental, Cameroun Tribune, le plus grand quotidien de Langue Française de l’époque en Afrique après El Watan, le quotidien, Algérois (P. 99), l’auteur posera son attaché-case au Messager de Pius Njawe, puis à l’Ozone, un journal dont il en était le créateur. Fort de cette expérience, il va rejoindre un projet audacieux conduit par les bons soins d’un homme d’affaires prospère, et d’un universitaire de haut vol : C’est la naissance du Projet Mutations. Ce journal passera progressivement d’hebdomadaire, de trihebdomadaire, à quotidien, sous le Leadership de celui que ses acolytes appellent affectueusement le D.P. Ils sont une bande de fougueux à peine trentenaires, qui à l’image des start-ups américaines n’ont qu’une idée en tête : Changer le Monde. Du moins celui de la presse. Leur impact ne se fera pas attendre. Leur influence est palpable. Dans un environnement où la crise économique et ses multiples plans d’ajustement structurels avaient désacraliser certaines valeurs, La Place Repiquet devint inéluctablement, le Saint-Germain-des-Prés Yaoundéen. Une espèce de colonne vertébrale intellectuelle où se côtoient journalistes, universitaires, écrivains, hauts fonctionnaires, artistes, sportifs, et cadres de la société civile. En une décennie, ce bol d’air frais parvient à redonner au « sachant », sa véritable valeur. Le savoir au sens du philosophe redevient un pouvoir. Plusieurs générations de journalistes vont ainsi s’y croiser. De l’Esijy, a l’Esttic, en passant par l’Essti, les professionnels chevronnés, et les apprentis journalistes se côtoient, avec en prime une floraison de jeunes journalistes parfaitement outillés pour relever tous les défis auxquels ils feront face dans la profession qui sera la leur. La suite, qui mieux qu’Haman Mana lui-même peut nous la raconter ? La salle de rédaction de Mutations fonctionne de manière interactive et itérative. Je découvre avec stupéfaction dans un contexte où les conflits intergénérationnels ont pignon sur rue dans certaines sphères, que chez les journalistes, les bons journalistes en tout cas, la jeunesse n’est pas considérée comme une menace pour les seniors, bien au contraire, une courroie de transmission entre ces derniers et les futures générations. La célébration du succès et la reconnaissance du travail bien fait, même quand il s’agit d’un ‘’adversaire éditorial’’, est monnaie courante dans la profession. Bref, le journalisme est un Pouvoir, et ne saurait le demeurer sans un certain conservatisme de ses codes de déontologie et d’éthique, sans un certain respect de son devoir d’informer. Et pour y parvenir à l’exemple d’un « artisan manuel » (PP. 39 ; 396), il faut de la discipline, du travail, et de la quête de l’excellence, car selon l’auteur, en page 392, « (…) avant d’être une technique et une pratique, le journalisme est une manière d’être, une façon de penser, une attitude, en somme ».
    Fort de ce tempérament, qui au fil des saisons et des années, a renforcé sa résilience, Haman Mana trouvera toujours une issue, et saura toujours rebondir. Son intelligence éclectique, sa vision, son capital social, son tissu relationnel, et surtout son Leadership incarné, lui permettront de faire face avec stoïcisme et désinvolture, aux adversités les plus coriaces. Sa vie est toute une philosophie. Son histoire personnelle et professionnelle, une épopée. Il va pendant une décennie, sur proposition de son mentor, Paul Célestin Ndembiyembe, effectuer des Enseignements sur la Pratique du Journalisme, dans l’Ecole qui l’a formé. D’ailleurs, il considère le journalisme comme un corps de métiers dans lequel l’apprentissage par la pratique est l’une des clefs du développement personnel du professionnel, et par conséquent, croit au pouvoir de la transmission dans cette profession « délicate ». La complexité de la profession qu’il maitrise parfaitement, lui permettra d’officier en tant qu’intervenant pendant une décennie à la prestigieuse Ecole Supérieure de Guerre de Yaoundé. A tout cela il faudra ajouter des charges d’enseignement de Journalisme à l’Université Protestante d’Afrique Centrale (UPAC).
    Les mémoires du journaliste, édités chez Les Editions du Shabel, retracent la vie, le parcours, et la carrière de l’auteur. Il est loin d’être un simple storytelling, même si son caractère olfactif nous entraine dans les moindres interstices de la vie de l’auteur, de manière à réveiller tous nos sens. Il est un véritable Textbook. Une espèce de livre de chevet à lire et à relire. Pour le journaliste débutant, pour le jeune qui commence un métier, ou même pour un jeune qui embrasse le chemin sinueux de l’entreprenariat, cet opus offrira des outils indispensables pour faire face aux défis nombreux et variés.
    A l’entame de son propos, il pose une question sur l’avenir de la profession à l’ère de la cybernétique et du numérique. Cette question, à mon humble avis, apparait comme une ouverture du débat par anticipation, sur l’avenir même de la profession du journaliste. Le développement de ce que les journalistes de radio Cameroun appelaient à la fin des années 1980, « les autoroutes de l’information », bénéficiera-t-il des mesures d’accompagnement lui permettant de se doter des codes et des pratiques capables de préserver et de protéger la déontologie journalistique ? L’accaparement des médias, par les groupes d’intérêt financiers garantira -t-il l’indépendance du journaliste, seule gage du triomphe de la vérité ?
    Face à ces questions, le journaliste chevronné, répond à sa manière, au travers de son expérience plurielle de secrétaire de rédaction, de directeur de publication, et d’éditeur. En somme, ce travail d’analyse et d’introspection que nous livre l’auteur, apporte quelques éclairages à de nombreuses préoccupations de la société Camerounaise. Il répond en partie à une question à la mode, devenue virale, et reprise par des artistes musiciens et des comédiens. De ce qui précède, et en tant que lecteur, je suis dans l’obligation de me poser la question suivante : Il y aura quoi après ?

    Gervais Wafo Tabopda
    Professeur en Technologies Géospatiales Appliquées
    Georgia Institute of Technology
    Atlanta, GA – USA

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